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L’interview croisée sans concession de Carlos Rosillo, Président de Bell & Ross

Interviews Croisées

 

Il vous a fallu plus de 20 ans d'amitié pour commencer à travailler ensemble. C'est beau, mais c'est long !

Carlos Rosillo : Nous avons pris le temps d'apprendre à danser ensemble, le temps de la maturité !

Laurent Picciotto : Je me souviens très bien des débuts. Je voulais même entrer au capital, mais tu n'as pas voulu !

Carlos Rosillo : (rires)Tu m'en veux toujours ?

Laurent Picciotto :Je m’en suis remis ! Plus sérieusement, je suis la trajectoire de la marque depuis ses premiers jours. Je l'ai trouvée brillante mais surtout sérieuse. Bell & Ross a créée sa propre voie, parfaitement balisée, et n'en est jamais sortie.

Carlos Rosillo : Moi, je me souviens bien de la première devise de Chronopassion, "Découvrir, comprendre, posséder". Elle est toujours d'actualité et nous nous la sommes appliquée. Il ne faut pas forcer les choses. On doit trouver le bon tempo. Je savais que Laurent possédait quelques modèles à titre personnel mais cela n'engageait pas nos marques pour autant. Il fallait que les clients de nos marques respectives entrent en résonnance. Créer des ponts est la chose la plus difficile, entre nos clients, nos détaillants, nos marques, nos univers. Cela demande du temps. Je savais que Laurent et moi travaillerions un jour ensemble, mais il fallait affiner l’identité de l’entreprise, passer une sorte de cap culturel.

Quel a été le déclencheur ?

Laurent Picciotto : Pour moi, la B-Rocket. Régulièrement, Carlos et moi nous voyions pour échanger sur les nouveaux projets de Bell & Ross. Leur univers me plaisait énormément, ainsi que la rigueur d'exécution qui le concrétisait. Mais la B-Rocket, ça a été le coup de coeur.

Carlos Rosillo :Sans vouloir trahir des secrets de couple, lorsqu'elle est sortie, le premier coup de fil que j'ai reçu, c'était Laurent. Il n'avait qu'une seule question à me poser : « combien ? ». Hélas, elle n'est pas à vendre !

Comment s'organise à présent votre relation ?

Laurent Picciotto : Nous avons pris le parti de ne pas segmenter. Nous proposerons une large partie de la palette Bell & Ross, depuis les premières collections courantes jusqu'aux coffrets en éditions très limitées. Ce n'est pas notre manière habituelle de travailler, mais c'est ainsi que la marque exprime le mieux sa cohérence. Et dès la première semaine d'implantation, les deux extrêmes sont partis à des clients très différents.

Carlos Rosillo :La segmentation par le prix a quelque chose de très arbitraire. Nous-mêmes, nous allons de 2000 euros à un million de dollars. Personnellement, je crois beaucoup plus en une distinction entre des marques généralistes et des marques de club. Les marques de club engagent des personnes qui ont foi en une marque authentique, en sa stratégie. Et Laurent et moi sommes des indépendants, il n'y a pas de grands groupes qui nous imposent d'évoluer dans telle gamme ou tel segment. Nous nous devons d'être extrêmement clairs.

Vous incarnez tout deux des marques cultes, est-ce aussi ce qui vous a rapproché ?

Carlos Rosillo : Peut-être, mais des produits cultes appartiennent aux gens, pas à une marque précise. Ce qui les rend culte, c'est leur adoption, leur usage, l'histoire que les gens y attachent. En somme, leur supplément d’âme.

Laurent Picciotto : En plus d'être culte, Bell & Ross est une marque qui rencontre un public passionné. Et ce public passionné n’est pas segmenté par gammes. Il intéresse nos clients habituels comme ceux qui n’avaient encore jamais franchi le seuil de notre boutique. L’homme parade toujours avec ses nouveaux jouets, qu’il soit à 5000 ou 500 000 euros, qu’il ait 5 ou 50 ans !

Carlos Rosillo : Et avec des objets culte, il nous fallait un lieu de culte, que Laurent nous a ouvert. Il est notre évangéliste Bell & Ross !

La B-Rocket a marqué un tournant pour vous deux. C’est une création forte. Pourrait-on imaginer une création commune à vos deux univers ?

Laurent Picciotto : (pensif) Pourquoi pas, on réfléchit à certaines choses... Mais avant tout, il faut installer notre collaboration, lui donner de la consistance avant d’aller plus loin et de s’offrir la liberté d’un nouveau jouet. C’est toujours la même question de rythme. Il faut que cela soit justifié.

Carlos Rosillo : Nous suivons la même réflexion en interne. Lorsque nous avons sorti nos premiers tourbillons militaires, c’est parce que nous avions atteint la maturité nécessaire. Nous avions la légitimité pour expliquer à nos clients pourquoi cette évolution était logique et rationnelle au regard de notre histoire, de nos compétences. Ce qui nous importe, c’est d’apporter la meilleure valeur à nos créations, ce que les anglo-saxons appellent la « good value ». Et ce type de valeur n’a rien à voir avec le prix.

 

Propos recueillis par Olivier Müller