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Max Büsser, CEO de MB&F (2013)

Interviews Croisées

C’est une longue histoire d’amour entre vous, semble-t-il ?

 
Max Büsser :
23 ans ! J’étais en stage chez Audemars Piguet lorsque l’on s’est vu pour la première fois…
 
Laurent Picciotto :
Tu venais de passer près de trois heures à la boutique avec un flot de questions assez incroyable !
 
Max Büsser :
Le pire, c’est que je n’avais aucune intention de travailler dans l’horlogerie. A la base, je suis ingénieur et, lorsque l’on  passe 50 heures par semaine sur des équations, cela me faisait tout bizarre de parler affect, émotions et humain avec toi.
 
Laurent Picciotto :
J’ai bien essayé au passage de te vendre une Gefica Safari bronze, mais tu as tenu bon !
 
Max Büsser :
J’ai été à deux doigts de craquer… L’integralité de mes économies a failli y passer ! Je n’avais pas encore l’intention de rejoindre le milieu de l’horlogerie. Mon dessein, c’était un poste marketing chez Procter & Gamble ou Nestlé en Asie. En 1991, le sort en a décidé autrement lorsque j’ai rencontré Henry-John Belmont alors DG de Jaeger-LeCoultre. Trois semaines plus tard, il m’a posé l’équation en ces termes : « Chez P&G, tu seras un parmi 200 000. Chez nous, dans la Vallée de Joux, tu seras parmi la dizaine de personnes qui pourra sauver cette vénérable maison».  Mon choix a été finalement vite fait.
 
Laurent Picciotto :
Moi, j’avais juste raté une vente (rires) !
 

Tu travaillais déjà avec Jaeger LeCoultre ?

 
Laurent Picciotto:
Oui, en 1991, j’ai pris 15 marques dont JLC. De très belles années relativement insouciantes ! Puis Max part chez Harry Winston. Malgré tout, j’ai toujours suivi son évolution. En 2003, je me souviens avoir croisé à Genève un homme qui était devenu le véritable patron de Harry Winston Timepieces. Il avait l’air ultra zen.
 
Max Büsser :
 A terme, oui. Mais il faut avoir connu la guerre pour apprécier la paix, comme il se dit. Et ma guerre, c’était d’avoir redressé Harry Winston. En 2005, j’ai pu enfin transformer mon fantasme entrepreneurial et créatif en réalité et créer MB&F.
 
Laurent Picciotto :
Max m’a recontacté juste après sa décision de quitter HW. Je dois avouer que j’avais été plutôt exaspéré de ne pas pouvoir avoir les Opus parce que je ne faisais pas Harry Winston. J’en avais fait part à Max qui m’avait répondu avec un sourire en coin : « Attends encore un peu ». Quelques mois plus tard arrivaient les premiers dessins des Horological Machines.
 
Max Büsser :
Et pourtant, je n’avais pas prévu une distribution sur l’Europe (rires) !
 
Laurent Picciotto :
Ca m’a sidéré ! D’ailleurs, la HM1 m’a fait le même effet. J’étais circonspect. La direction que tu prenais était improbable mais intéressante. Juste ce qu’il fallait de coup de pied dans la fourmilière.
 
Max Büsser :
Les marchés que je visais avaient répondu présents comme je l’espérais parce que j’avais déjà établi une relation de confiance avec eux durant toutes les années Harry Winston. Alors qu’à l’inverse, je n’avais aucun antécédent avec Laurent, si ce n’est une durable amitié. Je ne pensais pas qu’il prendrait,  sur plans, la HM1.
 

Et s’il n’y avait pas eu les Opus, tu aurais quand-même considéré MB&F ?

 
Laurent Picciotto :
Ça aurait effectivement été différent. Les Opus préfiguraient les HM.
 

A l’inverse, Max, as-tu hésité sur le choix de Chronopassion ?

 
Max Büsser :
Non, Laurent fait partie du top 5. L’histoire l’a d’ailleurs confirmé : c’est lui qui a vendu la toute première HM1.
 

Tu lui avais fourni un solide argumentaire ?

 
Max Büsser :
Pas du tout, ça n’est pas mon métier mais le sien (rires) ! J’ai une réelle aversion pour la vente.
 
Laurent Picciotto :
De toutes façons, tu n’étais ni connu ni horloger et tu n’avais qu’une seule pièce à présenter !
 
Max Büsser :
Mon rêve, qui était de ne plus avoir à craindre de vendre ou pas, s’est réalisé. Qui plus est, aujourd’hui, j’ai des clients qui me sont fidèles depuis la toute première HM.
 

Fidèles à ta marque…et à toi ! Laurent, si Max migre vers de nouvelles aventures, tu poursuis l’épopée des Horological Machines malgré tout ?

 
Laurent Picciotto :
Son empreinte personnelle est effectivement très forte sur la marque. Evidemment, on a vu des choses très heureuses avec de brillants repreneurs, comme le tandem Hayek / Breguet. Mais c’est certain qu’il faudrait rester particulièrement attentif pendant un certain temps…
 
Max Büsser :
Rassure toi, la question ne se pose pas dans l’immédiat, j’ai encore de nombreux projets dans les cartons ! Stay tuned, comme on dit !
 
Journaliste : Olivier Müller (02/2013)