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Who's Who , Guiliano Mazzuoli

WHO'S WHO

Rien ne prédestinait Guiliano Mazzuoli à faire des montres. D’ailleurs, rien n’engageait non plus Laurent Picciotto à les prendre, encore moins à s’en faire le revendeur officiel. Dans l’univers parallèle de l’horlogerie, cela signifie qu’ils étaient faits pour se rencontrer. Ainsi vont les coups de cœur : déraisonnables, imprévisibles, mais inévitables. 

L’étincelle s’est produite en 2004. Guiliano Mazzuoli avait dessiné et conçu les premiers prototypes de la Manometro, une pièce de 45 mm dont l’épaisseur frôle les 15 mm. Du manomètre dont elle s’inspire, elle conserve la lettre comme l’esprit : une lecture HMS (Heure Minute Seconde) ultra lisible, un fond crème, un boitier acier et une couronne à 2h...ou à 10h, selon les modèles droitiers ou gauchers. « C’est peut-être un détail, mais c’est l’un des éléments qui m’ont séduits », souligne Laurent Picciotto. 

In fine, a l’instar de ce détail, tout dans une Guiliano Mazzuoli est pensé, conçu, pour laisser croire à son propriétaire à une évidente simplicité, alors que chaque détail est le fruit d’un travail de design des plus minutieux. 

Le design, c’est probablement ce qui a permis à Guiliano Mazzuoli de s’évader de l’imprimerie paternelle. Affaire florissante accrochée aux flancs de sa Toscane natale, elle représente néanmoins pour le jeune Guiliano un poids quotidien qu’il se doit d’assumer pour nourrir sa famille. « En fait, je détestais les études, mon père m’avait placé dans une mercerie qui appartenait à un de ses amis en lui recommandant de me mener une vie aussi dure que possible», se souvient Guiliano Mazzuoli. « Je ne savais toujours pas ce que je voulais faire plus tard, mais la mort soudaine de mon père ne m’a pas laissée d’autres perspectives que de reprendre l’imprimerie, malgré mes réticences ». 

Pourtant, c’est dans cet univers que le trait de crayon de Guiliano Mazzuoli va s’affirmer. Typographies, reliures, création d’agendas, sont autant de supports qu’il commence à personnaliser. Ses deux fils s’engagent à ses côtés et lui permettent de prendre du recul. Il dessine deux lignes de stylos. Un jour, lors d’une prise de tension chez son médecin, l’homme est interpelé par le design de son vieux manomètre. « Jai été réellement inspiré par sa simplicité. Pourtant, il n’y a rien de plus difficile que de dessiner la simplicité », souligne-t-il aujourd’hui. Guiliano Mazzuoli s’attache à transformer l’âme simple et fonctionnelle de ce manomètre en une montre, sur base ETA. La Manometro est née. 

Laurent Picciotto est parmi les premiers à la découvrir. La pièce retient son attention. « C’est un design très sympa, l’œuvre horlogère de quelqu’un qui n’a rien d’un horloger, un regard simple et épuré porté sur une pièce qui sort de l’ordinaire. En somme, pour nous, c’est une curiosité, au sens premier du mot : quelque chose qui renferme beaucoup de soin ». 

Une seconde pièce, la Contagiri, verra le jour quelques années plus tard. Le dessin est de Guiliano Mazzuoli, le mouvement est signé Giulio Papi. La pièce devient véritablement horlogère, gagne en maturité. Et renforce par contraste la singularité de la Manometro, qui représente encore aujourd’hui la création la plus originale d’un homme qui ne l’est pas moins. 

Journalist : Olivier Mûller 05/2012